Simon Johannin
C’est un petit livre de rien du tout, format poche, à peine 150 pages. Un premier roman qui claque, âpre, rude, abrasif. Titre et couverture annoncent la couleur : sombre. Et pour l’odeur, ce sera puant, comme les carcasses de brebis abandonnées au soleil d’été ou la fumée des usines d’engrais et de croquettes pour chiens. Environnement glauque et poisseux.
Ce qui sidère d’emblée, c’est le naturel avec lequel le gamin déroule sa vie de misère. Les mouches, la crasse, l’alcool, les baffes, les cris. L’été des charognes, c’est bienvenue chez les rednecks made in France. On est tout près d’appeler les services sociaux devant tant d’indigence sociale et culturelle quand on voit poindre l’indispensable qui bat en brèche les clichés : on s’aime dans cette famille-là, malgré les torgnoles, les beuveries, la mère qui part parce qu’elle n’en peut plus. Sans tendresse ni démonstration, on s’aime.
Il y a de l’amour sous cette pauvreté qui n’est pas consciente d’elle-même, semble nous dire Simon Johannin, de l’humour et du rêve aussi. De la perdition à coup sûr. Et c’est toute la force de ce beau premier roman : pas de misérabilisme, on sent la vitalité du gamin même si les nuages s’accumulent au-dessus de sa tête insouciante. La langue de Johannin brutalise le lecteur, lui collant de force le nez dans une réalité qui ne fait pas la une des journaux. On ne veut pas en sortir pourtant : la découverte est trop belle.