Christoph Ransmayr
Ici, Ransmayr partage un whisky sous la neige avec un ornithologue enregistrant tous les oiseaux croisés sur la Muraille de Chine ; là, il surprend un homme se livrant à un karaoké solitaire du Love in Vain des Rolling Stones en pleine jungle de Sumatra, sous un ciel de geckos hypnotisés ; dans son Autriche natale, il observe un homme sommeillant au bord d’une rivière tandis que des enfants éloignent des taons attirés par la peau offerte du dormeur…
A chaque escale, sa langue, à la fois solide et évocatrice, fige ces instantanés dans son atlas intime, pas aussi “inquiet” que le titre de son livre voudrait le laisser croire.
Avant tout, Christoph Ransmayr est un oeil. Chacun de ses tableaux commence d’ailleurs par ces mots simples : “Je vis…” Echantillon : “Je vis une accordéoniste, une petite Indienne devant une joaillerie, sur le trottoir d’une rue ombreuse de Mexico.” Ou : “Je vis le fils en pleurs du jardinier sur le perron d’un manoir dans le comté irlandais de Cork.” Puis le récit se déploie le temps de quelques pages.
Et, refermant cet Atlas, à son tour, le lecteur se dira sans doute : je vis un écrivain autrichien assis à son bureau de Vienne dresser une carte poétique du monde à l’aide de simples mots…